« J'ai écrit “tout est pardonné” et j'ai pleuré. On l'avait cette putain de “une”»
Le Monde.fr avec AFP
« L'esprit du journal, c'est de faire rire. » Le prochain numéro de Charlie Hebdo, préparé par les rescapés de l'attaque sanglante contre le journal satirique, sortira mercredi 14 janvier. Il entend bien garder sa ligne éditoriale, et éreinter, comme à son habitude, politiques et religions.
Les journalistes de la rédaction, qui ont été accueillis dans les locaux parisiens du quotidien Libération, ont bouclé l'édition de l'hebdomadaire lundi soir. Mardi, ils ont donné une conférence de presse au sein du quotidien pour évoquer leur prochain numéro.- Huit pages, 3 millions d'exemplaires
Le numéro sera notamment traduit en anglais, espagnol et arabe pour la version numérique, ainsi qu'en italien et turc pour la version papier, a indiqué le rédacteur en chef de l'hebdomadaire Gérard Biard.
Pour la version turque, Charlie Hebdo a noué un partenariat avec le journal d'opposition Cumhuriyet « qui va publier et traduire en turc le numéro de demain et le vendre avec leur journal », a précisé M. Biard. « La Turquie vit un moment difficile et la laïcité y est attaquée », a-t-il ajouté, estimant que cette version turque était « la plus importante » à ses yeux. Un même partenariat a été noué pour la version italienne avec le quotidien Il Fatto Quotidiano.
Pour le premier million d'exemplaires, toute la recette ira à Charlie Hebdo, le réseau de distribution ayant accepté de travailler gratuitement. Les points de vente seront livrés quotidiennement, du 14 au 19 janvier inclus, et le numéro restera en vente pendant huit semaines.
Pour autant, il n'y aura pas d'interruption dans la publication du journal et un nouveau numéro suivra en kiosque le mercredi 21 janvier, et ainsi de suite, a annonce Gérard Biard.
Ce nouveau numéro de l'hebdomadaire représentera en « une » le prophète Mahomet brandissant une pancarte « Je suis Charlie ». Au-dessus de lui, trois mots : « Tout est pardonné ».
« Cette “une” a été compliquée à trouver », a expliqué mardi Gérard Biard lors de sa conférence de presse, confiant avec émotion :
« Ce numéro, il est sorti dans la douleur et dans la joie. On est heureux de l'avoir fait, on est heureux d'y être arrivé. »Le dessinateur Luz, qui a signé la « une » de ce nouveau numéro, a ensuite raconté la genèse de ce dessin. Qualifiant les deux premiers jours de « compliqués », il a confié aux journalistes présents : « Je ne savais pas si j'allais pouvoir dessiner. »
Dans une vidéo mise en ligne par Libération avant la conférence de presse, l'illustrateur confesse : « Cette “une” a été aussi dure à chier que la mort de nos amis à avaler. » Une métaphore que file le rédacteur en chef, Gérard Biard : « Elle a eu du mal à sortir mais quand ça a du mal à sortir et que ça sort enfin c'est bon, ça fait du bien. »
Finalement, après un premier dessin qu'il qualifie de « catharsis », Luz s'est penché avec les autres dessinateurs sur celui de « une » :
« On voulait un dessin qui nous fasse marrer avant tout. Pas un dessin sur la charge émotionnelle dont on est victime. L'idée était de dessiner ce personnage de Mahomet. (...) Puis j'ai écrit “tout est pardonné” et j'ai pleuré. Et on l'avait cette putain de “une”. »« Notre Mahomet est vachement plus sympa que celui brandi par ceux qui ont tiré » et « c'est un bonhomme qui pleure avant toute chose », a raconté l'équipe. « Elle nous a fait éclater de rire donc j'espère qu'elle fera éclater de rire le monde entier qui va nous acheter », a ajouté le rédacteur en chef de l'hebdomadaire satirique.
- « On fait confiance à l'intelligence des gens »
« Nous, on fait confiance à l'intelligence des gens, à l'intelligence de l'humour, à l'intelligence du second degré. Ceux qui ont commis cet attentat manquent d'humour et sont au premier degré. Il faut trouver la place du second degré dans le monde dans lequel nous sommes. »Lundi, l'avocat du journal Richard Malka avait déjà justifié ce choix, faisant référence aux nombreux messages de soutien brandis dimanche durant les manifestations qui ont rassemblé près de 4 millions de personnes en France :
« Quand on a une pancarte “Je suis Charlie” ça veut dire : “Vous avez le droit au blasphème, vous avez le droit de critiquer ma religion, parce que c'est pas grave.” »« On n'a jamais le droit de critiquer un juif parce qu'il est juif, un musulman parce qu'il est musulman, un chrétien parce qu'il est chrétien, a estimé Richard Malka. Mais vous pouvez dire tout ce que vous voulez, et les pires horreurs, et on les dit, sur le christianisme, le judaïsme et l'islam, car, au-delà de l'unité des beaux slogans, c'est ça la réalité de Charlie Hebdo. »
- Un numéro « normal », pas « nécrologique »
Riss, atteint par une balle à l'épaule pendant l'attentat et qui sortira lundi de l'hôpital, a aussi signé pour l'hebdomadaire des dessins de la main gauche. Aucun dessinateur extérieur n'y a contribué, malgré une foule de dessins de soutien reçus.
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Ce numéro sera aussi « normal » que possible et pas « nécrologique », expliquait un membre de l'équipe joint par Le Monde vendredi. Une idée confirmée lundi par Richard Malka : « Ce ne sera pas un numero hommage, car ce n'est pas l'esprit de Charlie Hebdo. »
Lire aussi (édition abonnés) : « Charlie Hebdo », le journal des survivants
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